Dans son discours d’introduction, le Président du Conseil exécutif, l’Ambassadeur Mohamed Sameh Amr, a témoigné de son attachement aux valeurs universelles, et notamment à l’égalité et la dignité des êtres humains. Le développement durable ne pourra être atteint que par une réelle égalité des sexes. Il a également tenu à faire remarquer que l’Egalité des Sexes avait été intégré en tant qu’objectif indépendant dans le document final du Groupe de travail ouvert sur les objectifs de développement durable. Il s’agit de l’objectif numéro 5, qui s’intitule : « Réaliser l'égalité des sexes et autonomiser les femmes et les filles ». Il a affirmé que « L’inégalité des sexes est un principe incompatible dans une société durable et doit donc être exclu.»
Monsieur Getachew Engida, Directeur général adjoint de l’UNESCO, représentant de la Directrice générale a rappelé que non seulement « l’égalité des genres est une priorité globale de l’UNESCO » mais aussi « un impératif de droits humains, de développement durable, pour la paix.» Il a témoigné de la nécessité de contribuer à l’autonomisation des femmes et des filles : sur les 780 millions de personnes ne sachant pas lire et écrire dans le monde, deux tiers sont des femmes. Il s’est également félicité de l’adoption par les Nations unies de la Résolution visant à mettre fin aux mariages d’enfants, aux mariages précoces et aux mariages forcés la semaine dernière, qui sont, selon ses mots, « inacceptables. Nous devons redoubler d'efforts pour lutter contre ce fléau, qui a des conséquences dévastatrices sur les femmes et sur la société dans son ensemble ».
Madame Nicole Ameline, Présidente du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), a tout d’abord tenu à rappeler et à présenter la Convention du CEDAW, instrument de référence en matière de lutte contre les violences commises contre les femmes, qui aujourd’hui compte 188 États Parties.
Elle a expliqué que la première partie de la Convention vise le cadre institutionnel : il s’agit de faire en sorte que les Etats appliquent les Conventions internationales qu’ils ont eux-mêmes acceptées. Selon elle, seul l’établissement d’un système juridique organisé pourrait permettre une réelle égalité entre les hommes et les femmes. Elle a ainsi affirmé qu’ « il n’y a pas de développement sans gouvernance ». Madame Ameline a insisté sur le fait que les violences faites aux femmes et aux filles ne doivent pas être distinguées selon leur forme, mais doivent être considérées de manière globale. Elle a également déploré la persistance de l’existence de stéréotypes, qui s’insinuent dans les sociétés et dans les médias, qui agissent dans les cultures comme une sorte de « poison moderne ».
Madame Ameline a ensuite présenté deux autres priorités du CEDAW : l’accès des femmes aux responsabilités et les droits économiques et sociaux des femmes. Ces droits englobent notamment le droit à la maitrise de sa descendance, et donc le droit à la contraception et à l’éducation. Elle a insisté sur l’importance de l’éducation des jeunes filles, et a rappelé les paroles de l’américain Brigham Young : « Elever un garçon revient à élever un garçon, mais élever une fille, c’est élever une nation». (“You educate a man; you educate a man. You educate a woman; you educate a generation.”)
La Présidente du CEDAW a également insisté sur la portée du statut personnel et familial dans la Convention. Le CEDAW a mis au point une feuille de route de quinze pages à ce sujet, à destination de l’ensemble des agences internationales.
En dernier lieu, Madame Ameline a tenu à présenter le projet de porter la candidature du CEDAW pour le Prix Nobel de la paix. Elle a appelé l’ensemble de l’auditoire à soutenir cette démarche, qui permettrait de rendre incontournables les droits des femmes.
Une fois les introductions terminées, le Président du Conseil exécutif a invité les participants à poser leurs questions et à faire part de leurs points de vue sur le sujet « Les femmes et le développement durable. »
Lors de leurs interventions, l’ensemble des représentants ont soutenu le combat mené par le CEDAW et ont félicité Madame Ameline pour son travail à cet égard. Toutefois ils ont imploré la Présidente de rester vigilante, et ont souligné le risque omniprésent d’un retour en arrière, d’un recul des droits des femmes.
L’Ambassadeur de la France a remercié Mme Ameline pour son engagement au service d’une cause, les droits des femmes, qui nécessitait le soutien de tous. Il a marqué que l’UNESCO, « conscience des Nations Unies » selon les termes de Léon Blum, était une tribune naturelle pour ce combat qui renvoyait aux valeurs d’égalité, de liberté, de justice et de paix, au fondement de la Convention de 1945. Il a souligné que ce combat, qui devait être mené sans relâche, figurait au nombre des premières priorités de l’action diplomatique de la France, partout et dans toutes les enceintes multilatérales. Il a précisé que la France présenterait un projet de Résolution sur la lutte contre les violences faites aux filles à l’école lors de la prochaine session du Conseil exécutif. Il a demandé comment l’UNESCO pouvait concrètement aider le CEDAW dans les actions qu’il mène dans ce domaine.
La Représentante de la Gambie a souhaité connaître le pourcentage du nombre d'Etats Parties à la Convention ayant présenté des rapports pour examen par le Comité. Elle a également interrogé Madame Ameline sur les moyens utilisés par le CEDAW pour vérifier la véracité des rapports présentés.
La représentante du Maroc a déploré la persistance des violences contre les femmes aujourd’hui et a demandé si le CEDAW avait conscience du retour arrière des droits des femmes et de l’augmentation des violences contre les femmes dans la région arabe, du fait de la hausse du fondamentalisme. Elle a notamment mentionné la naissance du phénomène du harcèlement de rue, qui a pris beaucoup d’ampleur : dans certaines villes, les femmes craignent même de sortir seules.
La représentante de la République Dominicaine a tenu à souligner la symbolique du choix du 26 novembre pour la tenue de cette réunion, date du lendemain de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, mais également du40ème anniversaire de l’adoption de la loi Weil sur l’avortement en France. La Représentante s’est interrogée sur les mesures permettant de faire avancer au mieux les droits des femmes. Elle a ensuite mentionné le problème des grossesses non désirées, qui touchent 18pourcent des jeunes dans son pays, et qui favorisent la reproduction de la pauvreté.
L’Ambassadrice d’Oman a déploré l’absence de représentativité des femmes en politique. Elle a déploré le pourcentage de femmes qui meurent dans les pays à revenu intermédiaire (MICs), en estimant qu’à peu près 2/3 des filles mouraient avant même de naître, et que 20 % des filles mouraient dans la petite enfance. Elle a demandé que de forte mesures de politique publique soient mises en place pour protéger des filles et s’est exclamée : « Après tout, comment peut-on autonomiser une personne qui meurt? » L’Ambassadrice a également déploré la lenteur de la progression des droits des femmes.
Dans son intervention, l’Ambassadeur du Canada a souligné l’attachement de son pays aux valeurs de respect et de non-violence à l’égard des femmes, qui font partie de la politique d’aide du Gouvernement du Canada à l’étranger. Il a manifesté son adhésion aux paroles de Madame Ameline lorsqu’elle déclarait que : « La violence est un tout : sexuelle, physique, culturelle et religieuse ». L’Ambassadeur a également souligné la justesse et l’importance de la « machinerie interne associée à la gouvernance » pour le renforcement des droits des femmes. Il a aussi mis en avant l’objectif poursuivi par la nouvelle « feuille de route » et a manifesté le souhait d’obtenir de plus amples informations à ce propos.
L’Ambassadeur du Bangladesh a tenu à faire part des avancées réalisées dans son pays, qui est dirigé par une femme Premier Ministre, et dans lequel le leader de l’opposition est également une femme. Il a confirmé que dans son pays, l’UNESCO est un partenaire fort du CEDAW, notamment dans le domaine de l’éducation pour l’alphabétisation des femmes et des filles. Il a également apporté son soutien à la candidature du CEDAW au Prix Nobel de la Paix.
La représentante de la Tanzanie a ensuite déclaré que pays était signataire de la Convention depuis 2008, et que la Tanzanie était pleinement engagée dans la lutte contre la discrimination des femmes, et dans le combat pour les droits des femmes. Elle a signalé les avancées faites en la matière dans son pays, où elle estime que 30pourcent des parlementaires et 30 pourcent des ministres sont des femmes. Elle a soutenu les avancées réalisées mais Bien qu’il y a du progrès fait, elle a noté que ce n’est pas assez et a demandé ce qui pourrait être fait? La discrimination, a-t-elle conclu, était parfois le résultat d’un héritage culturel, mais aussi une conséquence directe de la pauvreté.
Le représentant du Nigéria a interrogé Madame Ameline sur les moyens de franchir les obstacles politiques, religieux et culturels, afin d’assurer l’éducation des jeunes filles dans un Etat où l’éducation est pourtant gratuite et obligatoire, et a déclaré: « Qui sont ses personnes discriminées ? Elles sont nos mères, nos sœurs, nos filles… »
La représentante de l’Equateur a pris la parole pour témoigner son attachement à la Convention et pour réaffirmer son soutien à l’action du CEDAW, dont l’Equateur est signataire depuis de nombreuses années. Elle a souhaité connaître les implications du CEDAW dans l’élaboration de l’agenda de l’Après-2015 pour le développement, en disant « Sans développement, nous ne pouvons discuter ni de la violence faite aux femmes et aux filles, ni de l’égalité des genres. »
La dernière intervention fut réalisée par la représentante de l’Egypte, qui a souhaité connaître plus d'informations concernant les efforts entrepris par le CEDAW afin de réhausser le rôle de la famille, car, selon elle, « il y a des discriminations et des violences faites aux femmes et aux filles au sein des familles, étant donné que la famille demeure toujours le noyau principal de la société, et peut jouer un rôle fondamental, fournissant une protection indispensable contre ces phénomènes.»
Tout au long de cette session de Question/Réponse, Madame Ameline est venue apporter des commentaires, des éclaircissements et des précisions, qui se résument comme suit :
Les Organes de Traités devraient être rapprochés des grandes agences et la solidarité, comme les aides publiques et privées au développement, devrait être renforcée. Elle a mentionné à titre d’exemple les microcrédits crées par la Fondation Melinda and Bill Gates, à destination des femmes. Elle a également fait part de la nécessité que l’Europe renforce son partenariat avec la Méditerranée. Madame Ameline a aussi déclaré soutenir le projet de Résolution de la France.
La Présidente de CEDAW a affirmé que les droits des femmes n’étaient pas une ligne droite, et qu’il était de la responsabilité des gouvernants, mais également des femmes, de redoubler de vigilance. Elle a déclaré que la résurgence du fondamentalisme existait, non seulement dans les pays Arabes, mais en Europe et en Amérique du Nord aussi. Elle a précisé qu’au sein du CEDAW, certains experts musulmans s’étaient rapprochés des fondamentalistes, et que le harcèlement de rue était un des sujets dont s’occupait le Comité. Madame Ameline a rappelé la tragédie de certains évènements, telles les lapidations. Alors, afin d’encourager la poursuite de la lutte pour les droits des femmes, elle a repris les mots de Madame Claudie Haigneré : « Quelquefois on est découragés, et à ce moment-là, il faut savoir relever le regard vers le ciel, et voir les étoiles. »
Madame Ameline a, par ailleurs, témoigné de l’importance de la réaffirmation de certains droits, et notamment du droit de disposer de son corps et du droit à l’avortement. Elle a, par ailleurs, expliqué que le CEDAW imposait aux Etats un droit à l’avortement en cas de viol et de risque pour la santé de la mère, et non un droit général à l’avortement.
Elle a fait remarquer que la question des droits des femmes était éminemment politique. Ainsi, le combat contre l’excision mené en Afrique par la Présidente du CEDAW elle-même, a impliqué un long plaidoyer, au sein des villages, auprès des familles et des chefs religieux. Elle a insisté sur l’importance de la loi, de la prévalence du droit, pour la progression du droit des femmes. Selon Madame Ameline, les partis politiques sont souvent un obstacle à cette progression, étant donné qu’ils sont en retard par rapport aux populations. Elle a finalement lancé un appel au renforcement de l’égalité et du droit des femmes. « Le 20ème siècle était le siècle de l’espérance, faisons du 21ème siècle le siècle de l’efficacité », a-t-elle proclamé.
En conclusion, Madame Ameline a précisé qu’en raison de l’importance de la discussion de cette réunion, organisée par le Président du Conseil exécutif, elle en ferait mention lors du prochain Comité du CEDAW qui aura lieu en février 2015. Elle a réaffirmé que la seule vraie réponse contre la discrimination était une réponse collective, en l’appelant au « renforcement du droit positif ».
Elle a ainsi encouragé l’action des Tribunaux, des Juges, et des ONG à un niveau international, et a notamment insisté sur la nécessité que les ONG puissent être Parties Civiles, notamment dans les pays où les femmes sont touchées par l’illettrisme. Madame Ameline a également déclaré que les actes barbares de rapts, de viols ou de conversions forcées devraient être jugés, car « il n’y a pas de réparation sans procès. »